INTERVIEW

Au cœur

du service de

veille sanitaire de l’OIE

Pour fournir des informations exhaustives et vérifiées sur la situation zoosanitaire dans le monde, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) a mis en place un service de veille sanitaire et de vérification des rumeurs qui, en 2020, s’est avéré essentiel. Paula Caceres et Paolo Tizzani travaillent dans ce service.

veille sanitaire OIE Au cœur du service de veille sanitaire de l’OIE
veille sanitaire OIE Au cœur du service de veille sanitaire de l’OIE
Paula Caceres
veille sanitaire OIE Au cœur du service de veille sanitaire de l’OIE
Cheffe du Service d’information et d’analyse de la santé animale mondiale de l’OIE
veille sanitaire OIE Au cœur du service de veille sanitaire de l’OIE
veille sanitaire OIE Au cœur du service de veille sanitaire de l’OIE
Paolo Tizzani
veille sanitaire OIE Au cœur du service de veille sanitaire de l’OIE
Vétérinaire épidémiologiste et coordinateur du système de veille et de vérification des rumeurs au sein du Service d’information et d’analyse de la santé animale mondiale

Pourquoi l’OIE a-t-elle créé un système de veille sanitaire et de vérification des rumeurs ?

P.C. Dès 2001, il était devenu évident que les maladies animales faisaient l’objet de beaucoup de rumeurs dans les médias. Nous employons le terme « rumeurs » pour désigner les informations, de quelque nature que ce soit, qui ont trait à l’une des 117 maladies des animaux terrestres et des animaux aquatiques dont nous nous occupons, ou à des maladies émergentes, et qui n’ont pas été portées à l’attention de l’OIE par les canaux officiels de déclaration des maladies. En tant que chef de file des organisations internationales en matière de santé animale, l’OIE cherche à obtenir le maximum d’informations sur la santé des animaux dans le monde. Nous avons donc mis en place en 2002, à la demande de nos Membres, un système de surveillance des informations non officielles qui circulent à propos de maladies animales.

 

L’équipe du service de veille de l’OIE traque les informations se rapportant à des incidents zoosanitaires non signalés par le canal officiel (OIE-WAHIS), puis, avant toute autre action, elle vérifie la fiabilité et la pertinence de ces informations.

Comment fonctionne ce système ?

P.T. Notre première tâche consiste en une recherche active d’informations dans le monde entier, à travers les médias locaux, les lettres d’information en ligne, au sein du réseau des Laboratoires de référence de l’OIE et au sein d’autres réseaux professionnels. Nous passons ces informations au crible pour conserver celles qui se rapportent aux maladies de la liste de l’OIE, ou à des maladies émergentes. Un second filtre permet de procéder à une sélection d’informations en fonction de leur fiabilité et d’écarter les informations de source douteuse. Les informations restantes passent ensuite par ce que nous appelons un « processus de triage » : elles sont ventilées vers les différents canaux internes de l’OIE qui peuvent alors décider d’une action éventuelle.

P.C.Les Membres de l’OIE sont tenus de signaler certains incidents dans un délai de 24 heures, par exemple les premiers cas d’une maladie animale sur leur territoire. Si notre système de veille repère un incident qui n’aurait pas été déclaré officiellement dans ce laps de temps, nous contactons le pays pour évaluer la situation. Dans certains cas l’information est confirmée par un examen de laboratoire et les Services vétérinaires finissent par la déclarer via le canal officiel – le système mondial d’information zoosanitaire de l’OIE (OIE-WAHIS). Il arrive également que les conclusions de l’examen de laboratoire pointent une cause de mortalité autre qu’une maladie, par exemple une intoxication. Dans ce cas, l’incident ne fait pas l’objet d’un rapport officiel, puisque l’OIE ne collecte de données que sur les maladies significatives sur le plan épidémiologique.

incidents
ont été signalés sur OIE-WAHIS concernant 72 maladies dans 112 pays en 2020

%

de ces incidents avaient été repérés
par le service de veille sanitaire de l’OIE

En quoi ce dispositif améliore-t-il le suivi de la santé animale dans le monde ?

P.C. Depuis 2018, ce dispositif a permis d’effectuer un suivi en temps réel de l’épizootie de peste porcine africaine lors de sa propagation en Asie. Lorsque nous avons constaté des délais ou des incohérences dans les rapports officiels, nous avons été en mesure de contacter rapidement les pays.

En 2020, 10 % des incidents signalés avaient été repérés par notre système de veille et de vérification des rumeurs. Il s’agit donc d’un précieux outil de suivi de la santé animale qui contribue à maintenir la réactivité et la transparence du système de déclaration des maladies à travers le monde.

Comment l’OIE collabore-t-elle avec ses partenaires dans l’optique « Une seule santé » ?

P.C. L’une des missions essentielles de l’OIE est de réagir au plus tôt lors de l’apparition d’une maladie animale afin d’empêcher sa propagation à d’autres animaux, ou à des humains s’il s’agit d’une zoonose. Nous nous sommes associés à l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour créer le Système mondial d’alerte et de réponse précoces pour les principales maladies animales et zoonoses (GLEWS).

Nous étendons désormais notre champ d’action commun en renforçant cette veille sanitaire dans la faune sauvage grâce à une collaboration avec le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Parce que la santé de la faune sauvage peut avoir des conséquences sur la vie des humains autant que sur celle des animaux d’élevage, cette nouvelle coopération aidera à réduire le risque de nouvelles pandémies grâce à l’approche « Une seule santé ».

Le système de veille sanitaire de l’OIE sélectionne les informations pertinentes dans près de

sources partout dans le monde, visant à couvrir les zones les plus reculées

Grâce à ce système, plus de

articles de presse ont été passés au crible en 2020

Comment le système a-t-il évolué ?

P.T. Notre système de veille sanitaire et de vérification des informations a beaucoup gagné en efficacité au fil des ans. En 2017 par exemple, à une époque où la majeure partie du travail était réalisée manuellement, 7 à 8 agents de l’OIE se consacraient à ce travail et vérifiaient 20 000 articles de presse par an. Au cours des 4 dernières années, nous avons utilisé des moteurs de recherche adaptés à nos besoins. Aujourd’hui il n’y a plus qu’un seul opérateur, et le système extrait des informations pertinentes d’environ 14 000 sources.

Nous avons une approche résolument tournée vers l’avenir et cherchons toujours à améliorer ce service. Actuellement, nous étudions la possibilité d’extraire des informations émanant de nouvelles sources, comme les réseaux sociaux. Cela aidera à réaliser un suivi de la santé animale dans des régions où il n’y a pas d’autre type de couverture médiatique.

P.C. Grâce à l’amélioration continuelle de ses capacités, l’OIE a pu se préparer à un événement tel que le Covid-19. En effet, l’existence de ce système de veille sanitaire nous a permis de relever les défis de la pandémie en matière de gestion des informations.

Le système de veille sanitaire a-t-il fait ses preuves pendant la pandémie de Covid-19 ?

P.T. Avant la pandémie de Covid-19, les coronavirus faisaient déjà l’objet d’une veille sanitaire car les virus du MERS et du SRAS avaient montré leur potentiel zoonotique. En décembre 2019, nos plateformes ont commencé à recueillir un nombre croissant de rumeurs sur des cas atypiques de pneumonie observés en Chine. Depuis, nous avons répertorié et analysé plus de 20 000 articles de presse concernant le SARS-CoV-2 chez l’animal.

P.C. Les outils de veille nous ont fourni des rapports quotidiennement. Nous avons été informés de la propagation de la maladie en temps réel avant que les chiffres et les rapports officiels ne soient rendus publics. Cela montre à quel point un système aussi performant, fiable et efficace peut être précieux pour faire le suivi des maladies émergentes à travers le monde et nous aide à mieux nous préparer à de nouvelles pandémies.

L’OIE tient à remercier l’OMS et le gouvernement australien pour leur collaboration sur l’utilisation d’outils de recherche d’information, notamment EIOS et IBIS-Intelliriver.